[Poèmes extraits de Kevad ja suvi ja, 2009]
18 mai, dimanche.
La pluie. La pluie enfin, qui arrose
ce printemps froid et sec.
Pour arroser une âme froide et sèche,
il faudrait des larmes. Mais il n’y en a pas.
La tristesse est comme du tartre
qui se dépose peu à peu dans l’âme.
Et un beau jour cette couche devient si épaisse
que l’on comprend : il n’est plus possible de s’en débarrasser.
Mieux vaut jeter le récipient.
26 novembre, mercredi.
Le paradoxe du vieillissement, c’est
que le cœur a toujours le même âge.
On ne s’en rend pas compte en général,
il est comme enterré déjà,
quelque part sous le sable, les années, les déceptions,
mais il suffit d’un regard jeune,
d’une jeune voix, d’une jeune lettre,
et il ressort, il remonte, exactement
aussi bête et rouge
qu’autrefois.
4 décembre, jeudi.
Mort, chère mort, tu es
ce qui nous relie
le plus solidement à la vie.
Aujourd’hui il a encore neigé.
Les flocons étaient gros et volaient
comme si le printemps était de retour.
Comme si le printemps était de retour:
dans mon corps secret
tourbillonnent les eaux noires.
Je suis heureux
d’être mortel.
En cela au moins
je suis
si semblable à toi.